Mascarades (2008)
Un village paumé dans le sud algérien, entre Batna et Biskra, donc à l’orée du désert. Mounir (Lyes Salem, également réalisateur et co-scénariste), la trente-cinquaine, marié, un enfant, héberge aussi sa sœur célibataire, Rym, une jolie fille délurée (Sarah Reguieg), vingt ans, pas bête du tout, qui a pourtant un handicap, comme chacun le répète autour d’elle : narcoleptique, à tout instant, elle s’endort. Les gens, alentour, rigolent, et Rym sera difficile à marier, en dépit de ses attraits. Certes, elle a bien un amoureux, un beau garçon, Khliffa, dit Ringo (Mohamed Bouchaïb), un copain de Mounir, et qui vient lui faire la conversation en cachette, sous sa fenêtre, chaque nuit depuis quatre ans. Mais ce Roméo a un gros défaut, en plus d’être assez fantasque et fan de cinéma – a-t-on idée –, il est fauché comme un champ de maïs transgénique après le passage de José Bové.
Mounir lui aussi a un gros défaut, mais moins grave dans le contexte local : c’est un hâbleur. Employé comme jardinier chez le notable du coin, « le Colonel » (qu’on ne verra jamais), il veut faire croire qu’il est ingénieur. Mais ingénieur en quoi, se marrent les bons copains ? Ingénieur en fleurs ? Avec ça et le handicap de sa sœur, Mounir en a marre des railleries, et, un jour qu’on l’a trop charrié, il prétend que Rym est fiancée ! Elle a rencontré un riche homme d’affaires australien, William Vancooten, qui veut évidemment l’épouser. La noce est pour bientôt, affirme-t-il. Les villageois ne se posent aucune question : le mariage, dit Mounir, a été arrangé par lui et Rym n’a pas encore rencontré son fiancé, donc inutile de l’interroger (il ne manquerait plus que les filles connaissent à l’avance leurs maris, non mais).
Aussitôt, Mounir devient le centre de toutes les attentions, et chacun s’efforce de lui rendre service, en espérant bien entendu l’inévitable renvoi d’ascenseur. Les cadeaux s’accumoncellent, comme disait San-Antonio, et Mounir comprend qu’il s’enfonce : que se passera-t-il lorsqu’on devra démentir ce mariage imaginaire ? De vedette, Mounir est assuré de devenir paria, et dans un bled pareil, ça ne pardonne pas. Du coup, et comme Khliffa-Ringo vient de se déclarer, Mounir appelle au secours celui dont il ne veut pourtant pas comme beau-frère. Lequel pose ses conditions : je te tire de là, tu me donnes ta sœur. C’est du commerce équitable, non ?
Forcé d’accepter, Mounir laisse Ringo clamer à tous les échos que le riche étranger candidat au mariage ne veut pas de Rym, parce qu’elle vit dans un village paumé, peuplé de bouseux périmés. C’est de la haute psychologie, car, non seulement il dégoûte ses concitoyens du rival imaginaire, mais il canalise sur lui-même la sympathie des villageois : ah le brave gars qui veut bien récupérer la belle abandonnée ! La pilule a certes un peu de mal à passer, mais le remède de cheval agit, et voilà que la belle Rym est libre d’épouser son soupirant. Illico, son handicap disparaît !
Médite la leçon, lecteur à l’âme romantique, et va-t-en suggérer sur allocine.fr que l’amour triomphe toujours. En plus, ça Rym !
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