Nés en 68 (2008)

Nés en 68 sur la-fin-du-film.comEt ça se finit en queue de cheval

L’exemple typique du film où ne raconter QUE la fin n’aurait guère de sens, car le récit compte plus d’une douzaine de personnages de premier plan, et chacun a sa propre fin. Imagine donc que ton (très humble) serviteur te balance douze fins au bas de cette page, quelle tête ferais-tu ? Mais le film en vaut la peine, même s’il s’est tapé un bide magistral. Et attention, film politique ! Olivier Ducastel et Jacques Martineau, couple d’excellents cinéastes très à gauche, tirent à boulets rouges sur tous les régimes qui se sont succédé en France depuis Mai 1968 (aucun personnage ne naît en 1968, contrairement à ce que sous-entend le titre).

Après le 31 mai, le discours de De Gaulle et la manif réac ayant remis le « vieux débris » en selle (l’expression est dite par Laetitia Casta, ton – très humble – serviteur n’oserait jamais), Catherine (Laetitia, donc), étudiante, abandonne ses études et part vivre à la manière hippie, dans une ferme proche de Figeac (Lot), avec ses deux amants Yves (Yannick Renier) et Hervé (Yann Trégouët), son frère Serge et quelques amis. Déjà, elle avait avorté – illégalement, la chère Simone Veil n’étant pas encore passée par là –, a même failli en mourir, mais un autre enfant naît l’année suivante, Ludmilla, dont on ne saura jamais qui est le père, et tout le monde s’en fout, car c’est l’époque de l’amour libre, du fromage du chèvre, des danses à poil dans les prés et des chansons bébêtes de Joan Baez. Mais la communauté se délite assez vite, par lassitude, ou parce que certains reconnaissent s’être trompés de vocation. Yves regrette Paris, le béton et les odeurs d’essence ; Hervé se trouve tenté par l’action violente et ira d’ailleurs en prison pour vingt ans ; Serge, qui a épousé Dalila, une fille de harki (Fejria Deliba), mourra d’un mystérieux accident. Seule Catherine s’accroche, avec son amie Caroline, ses voisins campagnards, et ses deux enfants, puisque entre-temps Boris, fils d’Yves, est né.

Les années passent. Les enfants ont grandi, Ludmilla ambitionne une carrière de chanteuse classique mais abandonne pour épouser un Iranien qui vit à Londres, Farivar (Slimane Yefsah), tandis que Boris s’est découvert homosexuel : à 17 ans, il est l’amant du fils des voisins, Christophe, 19 ans. Hélas, le sida débarque, et les deux garçons chopent le virus. Tous deux vont militer à Act Up, mais Christophe meurt. Boris, qui grandit, suit une tri-thérapie, qui finit par faire reculer sa séropositivité, et il se propose de se pacser avec son nouvel amour, Vincent (Thibault Vinçon), mais ils y renoncent car cela ferait obstacle au désir qu’ils ont d’adopter un enfant.

Catherine, qui n’a jamais quitté sa ferme et jamais connu d’autre homme après le départ des siens, rencontre un type bien, Antoine, qui travaille pour une ONG en Afrique, mais elle contracte un cancer et le cache à ses enfants, qui ont des tas de problèmes (Ludmilla, mère de deux enfants, s’entend mal avec la famille iranienne de son mari et déserte le foyer conjugal londonien). Pour cacher la dégradation de son état physique, elle leur fait croire qu’elle quitte la France pour le Mali, et va mourir dans un hôpital.

Entre-temps, on a balayé quarante ans de l’histoire de France, De Gaulle, Pompidou, Giscard, la légalisation de l’avortement, Mitterrand, les espoirs qu’a suscités son élection, les déceptions et les rancœurs face à son indifférence devant le sida, le PACS et Christine Boutin, la fin du l’empire soviétique, Chirac et la dissolution, Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002, et l’élection du Sarkozy hostile à Mai 68 en guise de cerise sur le gâteau.

Toutes ces histoires et quelques autres se résolvent dans les obsèques de Catherine et les espoirs annoncés par la nouvelle génération, Boris et Vincent, le fils à demi-arabe de Serge, prénommé Joseph (Osman Elkharraz), qui veut symboliquement se consacrer à l’agriculture, et Ludmilla qui s’est réconciliée avec son mari. Ce n’est pas une fin spectaculaire et anecdotique, puisque la vie va continuer : les sagas ont-elles une fin ? À cette question existentielle, que tu devrais, lecteur, graver en lettres d’or au-dessus de ta cheminée, ce n’est pas forcément Allocine qui répondra.