Horton (2008)
Comme chacun sait, il existe deux sortes d’éléphants: les ceusses à petites noreilles, et les ceusses à grandes zoreilles. Horton, lui, est de la troisième sorte: les ceusses à oreilles mutifonction et double pivot bilobé (ô triste auditeur de France Inter, que cette allusion à la dernière pub des inénarrables Chevalier et Laspales ne te détourne pas des aventures de notre gentil pachyderme: si le duo comique est méchamment lourdingue, le film est plutôt léger, malgré son message de tolérance appuyé).
Bilobées ou pas, les oreilles d’Horton sont assurément bien pratiques: tour à tour bonnet de bain, pagaies, casquette de golfeur, elles font également fonction d’organe métaphysique, puisque c’est grâce à elles qu’Horton, ayant entendu un cri en provenance d’un grain de poussière, en arrive à postuler l’existence de tout en monde en réduction en danger d’être emporté par le vent vers un destin funeste. Notre éléphant recueille sur une fleur le grain de poussière et ses habitants, et réussit à établir le contact avec le maire de la ville microscopique des Qui.
Mais voilà: tout le monde n’a pas la feuille métaphysique, ni l’ouïe aussi fine qu’Horton: madame Kangourou finit par dresser toute la jungle contre notre éléphant, au prétexte que ses histoires de petites personnes empoussiérées pervertissent l’esprit les enfants. De son côté, monsieur le maire peine à convaincre ses concitoyens de l’existence d’un éléphant gigantesque vivant dans le ciel au-delà de la portée du regard – sans parler du risque de destruction imminente qui menace leur paisible patelin… et les célébrations du quicentenaire.
Résumons-nous: Horton a été fait prisonnier par la meute des animaux de la jungle, et madame Kangourou triomphante s’apprête à faire bouillir dans du lait de coco (beurk) la fleur, le grain de poussière, les Qui et tous leurs petits cris. Enfin convaincus que monsieur le maire n’a pas un grain (désolé), tous les Qui s’emploient en effet à faire un grand charivari pour prouver au monde (l’autre monde, donc, celui des éléphants qui vivent dans le ciel et des mamans kangourou à l’esprit étroit) qu’ils existent.
Grâce au seul fils du maire (et alors que ses 96 filles s’époumonent en vain…), à sa machine à bruit géante et à un genre d’entonnoir, les Qui finissent par se faire entendre des habitants de l’univers de niveau supérieur. On relâche Horton, on dépose le grain de poussière bien en sécurité dans un endroit sympa en haut d’une montagne, et même madame Kangourou se joint aux choeurs proclamant que toute personne mérite le respect, quelle que soit sa taille. Là-dessus, la caméra entame un zoom arrière sur la jungle en liesse, zoom arrière qui réduit bientôt la Terre aux dimensions… d’un grain de poussière au sein de l’univers.
Si l’un de vous, amis lecteurs, connaît le nom de cette mise en abyme philosophique qui fait du modèle atomique le miroir en réduction du modèle astronomique (suggèrant une infinité d’univers imbriqués à la façon boucle d’oreille de la Vache qui rit), qu’il n’hésite pas à se dénoncer, parce qu’ils n’en soufflent pas un mot sur Allocine.
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